Entre lobying et débat juridique, il s’agit dans le fond d’une guerre d’influence entre producteurs pour déterminer lequels entre Bacardi et Pernod Ricard sera leader sur le marché du rhum.
L’histoire de Bacardi
Jusqu’à la révolution cubaine de 1959, Bacardi était l’un des empires les plus prospères de Cuba dont la marque a été fondée par Facundo Bacardi en 1862. La famille Bacardi a su développer la marque avec de nombreux succès à tel point que la marque devint l’emblème de l’armée américaine durant la guerre hispano-américaine avec le « Cuba libre » en 1900. Début du 20e siècle, Bacardi, devenu une entreprise internationale installa des bureaux a Barcelone et a New York, tout en rachetant des usines de production au Mexique et a Puerto Rico.
Mais c’est en 1959 que Bacardi se voit confisquer ses biens par le régime de Fidel Castro, en dépit du soutien de Bacardi à la révolution castriste (certains journaux soutiennent également que Bacardi à également aidé la CIA).
La famille Bacardi a donc dû s’exiler à Miami tout en pilotant le groupe redéployé dans les Barbade. Le groupe a également choisi de se développer par une croissance externe en fusionnant en 1993 avec l’italien Martini, mais également en rachetant la célèbre marque de Vodka Eristoff ou Get 27.
Malgré les nombreux succès Bacardi est toujours interdit à la vente sur l’île Castriste et se retrouve être remplacée par la marque Havana Club, qui est actuellement le 3e rhum le plus vendu au monde.
Havana Club : le challenger
Havana Club se trouve être le challenger de Bacardi, notamment depuis l’interdiction de Bacardi sur l’ile de Cuba. L’histoire de Havana Club débute en 1934 lorsque José Arechabala, riche sucrier de l’île se lance dans la production de rhum. La production de rhum se vend alors sur l’île puis progressivement en Espagne et aux États-Unis avant la Seconde Guerre mondiale. Cependant après la révolution de 1959, la société Havana Club est nationalisée par le gouvernement cubain. La famille Arechabala est donc contrainte à l’exil.
De 1959 à 1970, la marque n’est quasiment pas utilisée par le gouvernement cubain. À partir de 1966, la marque Havana club refait surface et le rhum est revendu par la société d’État Cubaron aux pays sympathisants du communisme (Allemagne de l’Est, URSS, Bolivie, Équateur, Mexique).
Avec la fin de la guerre froide et la chute du mur, la société d’État Cubaron doit repenser sa stratégie et opte pour la création d’une coentreprise en 1993 avec le groupe français Pernod Ricard.
À présent Pernod Ricard assure la vente de l’alcool Havana Club, par le biais de cette alliance capitalo-communiste, quasi unique.
Guerre économique sur le rhum cubain : Bacardi vs Pernod Ricard
L’empire Bacardi a donc vu sa suprématie menacée par l’empire Pernod Ricard. Se sentant menacé, « le groupe Bacardi a racheté aux héritiers de José Arechebala des titres de propriété de la marque Havana Club, ainsi que la recette du Rhum ».
Bacardi a donc déposé la marque dans quatre pays oubliés par Havana Clun , sans toutefois l’exploiter. Pernod Ricard a donc pu récupérer la marque après une longue bataille juridique terminée en 2011.
Bacardi mène également une bataille sur un second front, celui des États-Unis. Bien que le rhum cubain Havana Club y soit interdit pour cause d’embargo sur les produits cubains, Bacardi cherche à tout prix à empêcher Havana Club de déposer sa marque qui lui serait fatale en cas de levée de l’embargo.
Lobbyiste américain vs Havana Club : un exemple de protectionnisme
Afin d’empêcher Havana Club de déposer sa marque aux États-Unis, « le groupe des lobbyistes du groupe d’exilés cubains a obtenu le vote par le Congrès américain d’une loi interdisant l’enregistrement aux États-Unis d’une marque utilisée préalablement dans le cadre d’une entreprise “confisquée”, ce qui est le cas de Havana Club nationalisé en 1959
Cependant le caractère rétroactif de cette loi peut être contesté et ce que compte bien démontrer les juristes de Havana Club qui ont déjà surnommé cette loi “Bacardi Bill”. Souvent épinglés par l’OMC, et ayant toujours débouté Havana Club, les États-Unis se trouvent dans une situation délicate face à cette situation.
Et pourtant le groupe Bacardi, ne s’interdit pas de vendre des bouteilles “Havana Club” discrètement (qui n’est pas l’authentique Havana Club de Cuba) en Floride et fabriqué a Porto Rico.
Au départ simple guerre commerciale, la situation entre Bacardi et Havana Club ou plus exactement entre une entreprise pro américaine et une une entreprise française, semble virer vers un conflit juridique portant sur la propriété de la marque Havana Club. Un vrai travail de lobbying et d’influence dont on espère que l’issue sera favorable au français Pernod Ricard.
Jonathan Schelcher